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GREGOIRE NGUEDI : D’ENCRE ET DE CULTURE

Pour parler d’écriture, il faut absolument parler de culture. Tous les grands auteurs s’illustrent par leur capacité à entraîner les lecteurs dans des univers à l’apparence complexe, grâce à une simplicité que seul un niveau respectable de maîtrise des éléments peut favoriser. Il devient alors aisé de naviguer sans complexe et sans difficulté entre plusieurs univers où se déploient les fulgurances de nos immenses auteurs. Mais quand on parle de culture, on est loin de la connaissance des dates, des noms et des évènements comme on peut les tirer des livres ou des informations quotidiennes. Si c’est aspect revêt son importance dans la construction de l’écriture, la culture de soi et de son environnement direct est ce qui se tient au premier plan dans la réalisation d’une écriture de qualité.

Et c’est là l’une des particularités de Grégoire NGUEDI, l’écrivain aux six romans dont le tout nouveau et très profond Le bal des sept collines, se tient comme une expression forte de la culture et de l’écriture.

AU CŒUR DES RACINES

Grégoire NGUEDI est le type d’auteur qui ne se pose pas de question quant à ce qu’il va écrire, lui qui se contente au quotidien de vivre au contact des éléments qui l’entourent, et de les laisser l’habiter, surtout lui parler quand ils jugeront opportun d’apparaître sur du papier.

La première force de la plume de notre auteur réside dans sa patience face à la société. L’expérience lui a démontré, comme il le dit lui-même, que l’écriture ne se crée pas au moment où il est assis devant sa page blanche, mais durant tout le temps qu’il passe au contact de son environnement. Chaque évènement, si infime soit-il, revêt pour lui un intérêt vital. Il est le matériau essentiel à la réussite de ses trames ; voilà pourquoi, parfois, il sort de chez lui et va s’immerger parmi les foules des marchés, des bars ou emprunter des taxis, où se racontent des quotidiens insolites et des réalités épicées. C’est cet univers qui concentre la majorité de l’attention de cet auteur et le plonge dans un questionnement qui traverse les simples questions politiques peuplant depuis des siècles, et sans grande influence aujourd’hui, la publications littéraires.

LE BAL DES SEPT COLLINES, L’HISTOIRE NATURELLE

Après avoir réalisé cinq romans entre études et magie noire, immigration sauvage, passion hors du commun, écriture des ombres et éducation noire, Grégoire NGUEDI va s’investir dans la compréhension des origines de Yaoundé et de certains faits locaux considérés comme des malédictions, précisément.

Pour construire la trame de ce roman paru chez L’Harmattan-Cameroun, des années de recherche sur l’histoire de Yaoundé ont été nécessaires ; mais un peu plus parmi la population que dans les livres d’Histoire qui vont souvent dans des directions qui ne s’accordent pas, laissant le lectorat avec des doutes et des connaissances approximatives. Le vrai nom de Yaoundé, la tragédie derrière les stades de football et l’incapacité à remporter la moindre Coupe d’Afrique des Nations à domicile, et d’autres mystères, viennent s’ouvrir au cœur de ce texte inspiré des faits vécus et rapportés par des vieux et leurs descendants.

L’histoire, mêlée de fiction naturelle, est un régal quant à la floraison des enseignements offerts sous une plume qui remonte le temps, autant dans son contenu que dans son expression.

L’ESPOIR D’UNE NOUVELLE ECRITURE

Avec ses descriptions plus inspirées des personnes et des contextes que de la pensée dominatrice de l’auteur dans la narration, l’écriture de Grégoire NGUEDI permet de se situer directement dans l’intrigue et savourer les émotions qui s’en dégagent.  

Romancier pur, il pratique l’écriture comme les grands auteurs classiques : Victor Hugo, Honoré de Balzac avec ce regard qui intègre les choses, les vit depuis cet intérieur opaque avant de les offrir au monde. Si cette écriture est déjà pratiquée par ces illustres écrivains et d’autres de leur renommée, la touche de Grégoire NGUEDI est cette personnification de l’émotion à tel point qu’elle devient elle-même un personnage de ses différentes intrigues.

L’on ne saurait moins apprécier ses romans, et on en arrive à se demander comment au bout de romans aussi importants dans leurs élans et leurs perspectives, il n’est toujours pas reconnu comme un écrivain majeur de la scène littéraire camerounaise et/ou africaine. La faute certainement à cet anonymat qu’il s’est jalousement réservé, longtemps resté dans les ombres où nulle lumière n’a su le trouver jusque-là.

Grégoire NGUEDI permet d’envisager d’autres perspectives quant à l’évolution et la crédibilité de la Littérature déployée sur le sol africain, loin de cette croyance qui veut que la bonne écriture ne soit que celle publiée et promue en Europe ou ailleurs et pas en Afrique. L’éducation par la plume devient alors important quand il s’agit d’apprendre.

UNE EMPATHIE AUTHENTIQUE

A l’heure où tout le monde n’en a que pour le retour aux sources et le repli identitaire, la question de l’origine même de soi est au cœur du débat. Avec un roman comme Le bal des sept collines qui vient dévoiler d’autres aspects authentiques de la ville de Yaoundé, Grégoire NGUEDI se range parmi les plumes qui défendent naturellement, et avec humilité, les valeurs d’une Afrique qui s’est longtemps vu définir depuis un regard qui n’en a plus ni l’expérience ni l’empathie.

Vivre l’Afrique et l’écrire sans la dénaturer, la sous-évaluer ou l’infantiliser afin d’attirer une sympathie circonstancielle, voilà ce que la plume de notre auteur refuse de susciter. Le projet ici est une écriture qui ne cherche pas à plaire dans l’affinité, mais qui pourtant séduit et instruit son lecteur dans son intimité. Une écrit qui vise aussi à rendre de ses beautés à la plume et surtout à l’environnement qu’elle dépeint avec une passion intime.      

Aujourd’hui, nous pouvons être rassurés par cette plume qui rejoint d’autres sur la voie de la qualité, quant à la valorisation de la Littérature et de la Culture qui l’engendre. L’écriture se renouvèle et nous entraîne, avec Grégoire NGUEDI, au cœur des priorités qui fondent l’épanouissement. En se situant comme cette plume qui révèle les émotions naturelles, l’auteur nous permet une voie vers ce bonheur authentique qui rend à la société sa valeur réelle. Son bonheur authentique.

TSOGO Joséphine

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