À l’Université Catholique d’Afrique Centrale, un vent d’innovation souffle sur les sciences infirmières. Le 29 octobre 2025, au terme d’une soutenance brillante, Boris Kaba-Andzouana est devenu docteur en sciences de la santé, option sciences infirmières. Sa thèse, consacrée à la co-construction d’un modèle de soins infirmiers au Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville, marque un tournant décisif dans la recherche en santé africaine.
L’originalité de son travail réside dans sa volonté d’ancrer la pratique infirmière dans les réalités culturelles du continent. Constatant l’échec de plusieurs modèles importés d’Occident, souvent inadaptés au terrain, le jeune docteur a choisi d’élaborer une approche conçue à partir du vécu africain. Son modèle de soins se veut à la fois culturellement enraciné, scientifiquement rigoureux et socialement pertinent. Une manière, selon lui, de « cesser de copier pour enfin créer ».
La recherche s’appuie sur une méthodologie qualitative participative, plaçant les patients et les familles au cœur du processus. Cette démarche collaborative, rare dans le domaine, donne tout son sens au concept de co-construction. Les soins ne sont plus imposés d’en haut : ils se bâtissent ensemble, dans une dynamique d’écoute, de respect et de partage. Une vision humaniste et responsable du soin, où l’infirmier devient un partenaire de vie plutôt qu’un simple exécutant.
Dans la structure qu’il propose, chaque dimension de la personne — biologique, psychologique, sociale, culturelle et spirituelle — trouve sa place. Le cœur du modèle repose sur l’idée d’« accompagner » plutôt que de « prendre en charge ». Autrement dit, soigner ne se limite plus à traiter une maladie, mais à cheminer avec la personne tout au long de son parcours de santé.
Le jury, séduit par la profondeur de la réflexion et la maîtrise du sujet, a décerné à Boris Kaba-Andzouana la mention très honorable avec les félicitations. Au-delà de la performance académique, c’est la portée symbolique de cette recherche qui a retenu l’attention : celle d’un chercheur africain qui ose repenser les fondements de la discipline à partir de sa propre culture.
Les échanges avec le jury ont mis en lumière les multiples enjeux de cette démarche. L’auteur a d’abord analysé les raisons de l’échec d’un modèle importé du Maroc, cherchant à comprendre si les obstacles étaient d’ordre philosophique, conceptuel, organisationnel ou pratique. Il a ensuite questionné la validité culturelle des théories habituellement mobilisées en sciences infirmières, souvent issues de cadres occidentaux peu adaptés à la diversité africaine. Enfin, il a précisé les distinctions entre modèle conceptuel, modèle de soins et modèle théorique, démontrant une grande rigueur dans sa démarche scientifique.
Pour les membres du jury, cette thèse fait figure d’exemple. « Cela faisait plusieurs années que nous attendions de voir un étudiant travailler sur un modèle de soins véritablement ancré dans la société africaine », a déclaré l’un d’eux, saluant le courage intellectuel du chercheur. Car, dans un champ souvent dominé par des approches importées, il faut de l’audace pour proposer un paradigme local, fondé sur la philosophie et la culture du soin africain.
En recevant la toge de docteur, Boris Kaba-Andzouana n’a pas seulement franchi une étape académique : il a ouvert un chemin. Son travail constitue désormais une base sur laquelle les futures générations pourront s’appuyer pour aller plus loin. Comme l’a résumé avec émotion un membre du jury : « Il est toujours plus difficile de tracer la première voie dans la forêt que de l’emprunter ensuite. »






