Dans un contexte national marqué par la diversité religieuse et les injonctions de modernité, l’ouvrage d’Alassa Fouapon vient éclairer d’un regard neuf les relations feutrées mais décisives entre l’islam organisé et l’État camerounais. Publié aux éditions Homo-Minerve, Islam et pouvoir au Cameroun postcolonial s’impose comme une étude magistrale des tensions, alliances et rivalités qui structurent l’espace musulman au cœur des dynamiques de gouvernance.
Fruit d’une rigoureuse enquête mêlant archives, terrain et analyse de la presse, ce travail retrace l’histoire des principales organisations islamiques dans l’arène du développement. L’ouvrage interroge les rôles qu’elles assument, les compromis qu’elles négocient, les concurrences qu’elles affrontent. Il met en lumière cinq séquences majeures, de la création en 1963 de l’Association Culturelle Islamique du Cameroun (ACIC) à l’émergence récente d’acteurs transnationaux dans un contexte d’insécurité accrue.
L’auteur explore, dans un mouvement fluide, la tentative étatique de canaliser la voix musulmane pour asseoir un projet d’unité, la fragmentation associative née de l’ouverture politique, ou encore la complexité des liens entre géopolitique, diplomatie religieuse et développement local. L’adhésion du Cameroun à l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) en 1974 apparaît ici comme un tournant stratégique, où figures musulmanes et logiques diplomatiques s’entrelacent.
L’analyse d’Alassa Fouapon ne se contente pas de décrire l’histoire institutionnelle des associations. Elle dévoile les tensions internes qui traversent la communauté musulmane : rivalités entre élites régionales, conflits de leadership, clivages générationnels, débats autour de la place des femmes et essor de l’entrepreneuriat religieux. Elle montre aussi comment l’État, face à l’influence grandissante d’ONG islamiques dans les zones fragiles, entretient un jeu d’équilibres entre soutien tacite et dispersion volontaire.
Au fil des pages, se dessine un paysage riche en contradictions, où l’islam camerounais cherche à se structurer sans jamais parvenir à l’unité, tout en s’imposant comme force d’intermédiation dans les débats nationaux. Les appels récurrents à la paix, portés par diverses voix musulmanes, s’inscrivent dans un effort de légitimation qui cohabite avec des logiques de compétition parfois encouragées par les pouvoirs publics.
Avec une plume à la fois précise et nuancée, Alassa Fouapon offre un regard rare sur les recompositions du religieux dans l’Afrique contemporaine. Son ouvrage constitue une ressource incontournable pour les chercheurs, les décideurs et les acteurs de terrain. Il donne à voir les potentialités, mais aussi les impasses, d’un islam organisé naviguant entre engagement social, ambitions politiques et exigences de reconnaissance.
Présentation du thème « Citoyen et responsabilité républicaine pour la construction d’un État-Nation
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