Six mois après le colloque consacré à la décolonisation des savoirs et à la reprise de soi selon Fabien Eboussi Boulaga, la mémoire du philosophe renaît en acte à l’Université catholique d’Afrique centrale. Ce vendredi, date anniversaire de son départ, universitaires et chercheurs se réuniront pour inaugurer le Fonds Eboussi, un espace voué à la transmission d’une pensée libre et fondatrice. En ouverture, la professeure Lina Alvarez-Villarreal, venue de l’université de Los Andes à Bogotá, prononcera une leçon intitulée « Fabien Eboussi Boulaga vers une anthropologie de la terre habitée », en présence de voix venues du Cameroun et d’ailleurs.
À l’initiative du Groupe Jogoo, ce fonds documentaire se veut plus qu’un simple répertoire ; il ambitionne de recueillir, conserver et faire dialoguer les écrits de l’auteur, les manuscrits, les textes critiques, ainsi que les œuvres ayant nourri son engagement intellectuel. Installé provisoirement dans les murs de la bibliothèque de l’UCAC à Nkolbisson, il s’inscrit dans une volonté de partage ouvert, selon les modalités de l’institution hôte, et aspire à devenir un pôle de référence pour les études philosophiques africaines.
Pensé comme un centre de réflexion en devenir, ce fonds fonctionnera sous l’égide d’un conseil scientifique encore en cours de constitution. Parmi ses missions : créer un réseau d’études internationales sur l’œuvre du penseur, éditer une revue académique baptisée Eboussi Studies, organiser des colloques annuels en lien avec les enjeux contemporains, animer des journées d’études, former les jeunes chercheurs par des ateliers doctoraux, et encourager la réédition ou la traduction de textes fondamentaux.
Eboussi-Boulaga incarne une figure tutélaire du continent, passeur d’un logos africain affranchi des moules imposés. Sa langue, ciselée comme un silex, convoquait une lucidité sans ornement, tendue vers la vérité nue. Par ses ouvrages comme La Crise du Muntu ou Christianisme sans fétiche, il a imposé un regard neuf, brisant les clôtures de l’épistémologie coloniale, interrogeant l’enracinement, redéfinissant la liberté. Dans l’ombre portée des bibliothèques coloniales dénoncées par Mudimbe, sa voix appelle à une renaissance critique, à une reprise de la parole par ceux qui en furent dépossédés.