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Cameroun-Association Kwemtche :Réveiller l’oubli, raviver les traces

Sous la houlette du Professeur Charles Soh, président de l’Association Kwemtche, une conférence inaugurale s’est tenue autour d’un thème à la fois solennel et brûlant : notre mémoire, notre patrimoine, notre identité. Cette rencontre marquait le point de départ d’un engagement lucide en faveur de la reconstitution du récit commun, longtemps relégué aux marges du silence.

Durant des décennies, les noms de Ruben Um Nyobè et de ses compagnons n’ont habité ni les manuels, ni les esprits. Ces figures, que la répression coloniale a voulu effacer, sont mortes pour un rêve : celui d’un pays affranchi, maître de ses propres destins. À Douala, Yaoundé et ailleurs, nulle voie, nulle stèle, nulle place ne témoigne encore de leur sacrifice. L’absence de mémoire devient alors le reflet d’un exil intérieur, une fracture invisible mais persistante.
L’Association Kwemtche-souviens-toi se dresse face à cet oubli. Elle aspire à reconstruire, avec rigueur et méthode, les fondations historiques de notre héritage, à redonner chair aux récits oubliés, à faire vibrer à nouveau les consciences. Car se souvenir n’est pas se plaindre : c’est inscrire les douleurs d’hier dans les exigences de demain, façonner l’unité intérieure des peuples par la reconnaissance de leurs racines.
Parmi les lieux de cette reconquête symbolique, les chutes de la Métché émergent comme un sanctuaire naturel, empreint de silence et de tragédie. Là où l’eau épouse la pierre, des martyrs furent précipités, emportant avec eux la dignité offensée d’un peuple. Transformer ces lieux en espaces de recueillement et de transmission, c’est ancrer dans le sol ce que l’histoire avait voulu dissoudre.
À l’image de la flamme éternelle qui veille à Paris sur la tombe du soldat inconnu, des édifices pourraient naître dans chaque région du Cameroun, porteurs de mémoire et de reconnaissance. En parallèle, l’association envisage la création d’un jour national dédié aux héros disparus, l’élaboration de films documentaires, et des campagnes de recherche archivistique pour redécouvrir les traces enfouies.
Mais comment bâtir ce récit, si les sources demeurent verrouillées ? Pour que la parole authentique retrouve son droit, il faut que les archives s’ouvrent, que la vérité cesse d’être l’otage de la convenance. Lors de sa visite en juillet 2015, François Hollande avait amorcé cette brèche, évoquant avec prudence la violence exercée dans la Sanaga-Maritime et les Hauts-Plateaux. Le geste, bien que symbolique, reste à concrétiser.
Témoignage précieux, la voix de la fille de Jacob Fossi, présente lors de la conférence, a traversé l’assistance comme une brise vibrante. À travers son récit, les absents se sont faits présence, les morts ont retrouvé visage. C’est là toute l’ambition : faire du souvenir un acte vivant, un lien entre les silences d’hier et les espérances d’aujourd’hui.

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