Le vendredi 9 mai dernier, la Librairie des Peuples Noirs a accueilli une cérémonie de dédicace singulière. L’auteur LINJUOM y présentait les deux premiers tomes de son œuvre : Le Noun, De l’Égypte ancienne à aujourd’hui et Nguon Pamum. Ces publications, éditées chez Homo-Minerve, s’inscrivent dans une démarche intellectuelle ancrée dans une vision afrocentrée, portée par un regard enraciné dans l’héritage culturel africain.
Prenant appui sur les traditions du peuple Bamoun, l’auteur propose une lecture anthropologique et spirituelle de l’identité. En filigrane de son écriture se déploie une quête de l’origine, marquée par un dialogue entre histoire, rites et symboles. L’ouvrage s’ouvre sur un retour aux sources, convoquant la vallée du Nil comme berceau des civilisations africaines, dans la lignée des travaux de Cheikh Anta Diop. Il tisse ainsi un lien subtil entre Kemet, Kush et le royaume Bamoun, révélant une trame commune aux spiritualités ancestrales.
La pensée développée par LINJUOM s’alimente à la fois de la tradition kamite et de l’héritage bantou, qu’il refuse de dissocier. L’auteur relit le passé sous l’angle d’une cosmothéologie, faisant écho à la théologie solaire chère aux anciens Égyptiens. Cette approche, inspirée de la religion syncrétique Nwet Kuété, fondée par le roi Njoya, révèle une continuité entre les conceptions initiatiques locales et les grands récits cosmiques africains.
Le professeur Mathias Éric Owona Nguini, préfacier de l’œuvre, souligne la portée décolonisatrice de cette démarche. Selon lui, l’afrocentricité exprimée par LINJUOM permet à l’Africain de penser le monde depuis son propre centre, en refusant les filtres imposés par l’eurocentrisme. Il rappelle que cette posture s’inscrit dans une tradition intellectuelle ancienne, héritée des penseurs africains-américains et afro-caribéens du XIXe siècle.
Lors de la cérémonie, M. Elanga Joseph Thomas, historien et critique, a livré une lecture structurée de l’œuvre. Il en a salué la richesse spéculative, tout en mettant en avant sa cohérence métaphysique. Car au-delà de l’enracinement culturel, c’est bien une interrogation universelle sur le sens, l’être et le devenir qui traverse ces pages. La spiritualité y est présentée comme matrice de construction identitaire, mémoire vivante et force d’élaboration collective.
Une semaine après cette présentation, l’écho de cette rencontre intellectuelle demeure vif. L’œuvre de LINJUOM ouvre un chemin, à la fois rigoureux et sensible, vers une redéfinition de soi par les racines. Elle invite à penser l’Afrique non comme une périphérie, mais comme un foyer de pensée, de mémoire et d’invention du sens.