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Cameroun-Journée internationale de la langue maternelle : Le Ghomala à l’honneur au foyer Bandjoun de Yaoundé

La journée internationale de la langue maternelle célébrée sur le thème « l’éducation multilingue une nécessité pour transformer l’éducation », reconnaît que les langues et le multilinguisme peuvent faire progresser l’inclusion et atteindre les objectifs de développement durable. L’aire culturelle ghomala’, située dans la région de l’Ouest, dans les départements de koung-khi et des Hauts-plateaux, n’en fait point exception. Elle couvre le grand Mifi et certains groupements des départements voisins, entre autres les villages suivants : Bapa, Baham, Bandenkop, Bandjoun, Batié, Bayangam, Bahouan, Baleng, Batoufam, Bapi, Bameka, Bamougoum, Bafoussam et Bangang-Fondji. A l’initiative de l’association pour la promotion de la culture et la langue Ghomala, enseignants d’universités, des lycées et collèges, patriarches et fidèles de la sauvegarde des cultures nationales, sont venus massivement participés aux activités organisées à l’occasion de cette journée.

 

L’éducation africaine est inspirée du modèle occidental et c’est l’un des héritages de la colonisation. Mais, comme le dit un proverbe : « Un homme sans culture est un zèbre sans rayures. ». L’Afrique ne pourra donc se développer si sa jeunesse ignore tout de ce qui fait son identité, sa culture, son histoire et sa genèse. Le triptyque « un territoire, une langue officielle, une nation » est davantage un fantasme qu’une réalité tangible dans les pays africains. Les langues internationales n’y sont bien souvent comprises que par une minorité qui les utilise pour confisquer les débats démocratiques, monopoliser l’information économique et contrôler l’appareil d’Etat. Il faut donc faire la promotion de nations africaines basées sur la reconnaissance de la diversité linguistique et culturelle. La langue dite « maternelle » est définie par l’Unesco comme étant « la ou les langue(s) de l’environnement immédiat et des interactions quotidiennes qui construisent l’enfant durant les quatre premières années de sa vie ». En délaissant ces langues maternelles au profit exclusif des langues internationales (français, anglais, arabe), les pays africains ne facilitent ni la diffusion du savoir au sein de leurs sociétés, ni l’intégration de leur intelligentsia à la communauté académique mondiale. L’enseignement en langue maternelle permet d’éviter le temps d’acculturation qui oblige l’enfant camerounais découvrant l’école primaire à effectuer un sevrage brutal où il abandonne les acquis de sa ou ses langue(s) maternelle(s). Des études de l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) estiment en effet qu’au moins 85 % des enfants africains débutent leur vie scolaire avec l’obligation d’apprendre dans une langue qu’ils n’ont jamais parlée, ni souvent entendue.

Il suffit d’imaginer la situation cocasse où 85 % des petits Français entrant au CP seraient alphabétisés en Bassa ou Ewondo. C’est pourtant une telle aberration qui se déroule, depuis des décennies, dans beaucoup de pays d’Afrique noire francophone. *Renverser ce paradigme linguistique permettrait aux enfants de ne pas subir cette rupture violente qui va à l’encontre de tous les résultats de recherches en sciences cognitives depuis plus de quarante ans. Ceux-ci montrent en effet qu’un apprentissage est plus efficace si l’apprenant possède déjà des connaissances, même rudimentaires, sur le sujet d’apprentissage. Il est par exemple beaucoup plus facile d’apprendre à programmer dans un nouveau langage informatique, lorsque l’on connaît déjà un autre langage informatique, quel qu’il soit.
Il est important de rappeler, pour convaincre les sceptiques, ce chiffre issu du rapport de l’Unesco sur la science : sur les 20 pays effectuant le plus de publications académiques dans le monde, l’on retrouve une majorité de pays (douze) où la langue officielle n’est parlée que dans ledit pays et ses zones frontalières. Ces douze pays sont : la Chine (mandarin), le Japon (japonais), la Corée du Sud (coréen), l’Inde (hindi), la Russie (russe), l’Italie (italien), les Pays-Bas (néerlandais), la Turquie (turc), l’Iran (persan), la Norvège (norvégien) et Israël (hébreu). La langue seule n’explique pas tout et il existe bien entendu plusieurs facteurs qui contribuent au dynamisme de la recherche dans un pays : tradition universitaire, moyens économiques, existence d’un tissu industriel, etc. Cependant, la vitalité académique de ces pays démontre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une langue parlée sur trois continents pour trouver des solutions originales aux problématiques endogènes ou pour contribuer à l’amélioration du savoir mondial. Les pays asiatiques ont le fait le choix d’une éducation basée sur la langue maternelle. Leur réussite académique et économique montre qu’il existe une différence significative entre la langue d’acquisition du savoir, c’est-à-dire la langue d’enseignement, et la langue de communication qui correspond à une langue de portée internationale utilisée pour partager ce savoir en dehors de ses frontières. Ceux qui en doutent pourront répondre à cette question : qui parle le coréen à part les Coréens ? En Afrique, il ne s’agira pas de remplacer le français ou l’anglais par une seule autre langue, fût-elle africaine. Il apparaît plus judicieux de se diriger vers un enseignement multilingue basé sur la langue maternelle comme le recommande l’Unesco et ses nombreuses études de cas pratiques depuis 1953.

E.M

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