Dans son ouvrage Le leadership féminin dans les Églises en Afrique, récemment publié aux Guiguess Éditions, Dora Joseph explore les lignes invisibles qui entravent l’ascension des femmes dans les sphères ecclésiales. Ancré dans une réflexion académique rigoureuse, ce livre soulève avec lucidité la question de l’inégalité persistante au sein des institutions chrétiennes du continent. Malgré leur implication profonde dans la dynamique spirituelle, les croyantes demeurent en marge des décisions majeures.
À travers une série d’observations concrètes, l’auteur dévoile le contraste saisissant entre les textes sacrés et les pratiques actuelles. Le cas de l’Église Fraternelle Luthérienne du Cameroun illustre cette dissonance : lors du dernier synode, parmi des centaines d’hommes, seules onze femmes figuraient à la table des délégués, et une seule siégeait au Conseil synodal. Ces chiffres, plus qu’une simple statistique, traduisent une exclusion silencieuse mais persistante des femmes dans les cercles de pouvoir religieux.
Plus loin, l’analyse s’attarde sur les mécanismes culturels à l’origine de cette mise à l’écart. L’auteur met en évidence l’héritage patriarcal qui confine les femmes à des fonctions modestes, malgré leur présence active dans la vie communautaire. Ces représentations, forgées par des traditions rigides, entravent toute velléité de reconnaissance pleine et entière du rôle féminin dans l’espace spirituel.
Dora Joseph convoque alors les Écritures pour interroger ces blocages. Il rappelle, à la lumière de l’Évangile, l’appel à l’unité et à la dignité partagée entre tous les croyants. Si Paul affirmait l’égalité des âmes en Christ, pourquoi tant d’Églises s’en tiennent-elles encore à des normes dépassées ? L’auteur interpelle, questionne, et propose une lecture fidèle mais libératrice des textes, nourrie par un travail de terrain mené entre le Maroc et la France, dans un contexte pandémique propice à la méditation.
Dans une démarche engagée, l’écrivain retrace aussi la mémoire effacée des pionnières chrétiennes au Cameroun. Il redonne souffle à celles dont l’histoire fut écrite à la marge, et exhorte les responsables d’Église à rompre avec l’immobilisme. Ce plaidoyer vibrant invite à ouvrir les portes closes, à réformer les structures figées pour que souffle enfin l’esprit de justice au sein des assemblées.
Par cet ouvrage, Dora Joseph ne se contente pas de diagnostiquer une fracture ; il contribue à bâtir une vision nouvelle, où les Églises africaines redeviendraient le miroir vivant d’un message d’espérance. Dans ce combat à la fois spirituel et humain, la foi retrouve sa puissance transformatrice, portée par les voix longtemps réduites au silence.
