Quatre femmes architectes invitées à la conférence débat du 8 mars à la Fondation Tandem Muna pour raconter la genèse de leur vocation d’architectes, en révélant la manière dont elles se sont fait une place dans cet univers exclusivement masculin, ou presque, les combats menés dans leur carrière, les forces de caractère et la détermination qu’elles ont dû déployer.
C’est inspirant et motivant pour les jeunes de côtoyer des femmes aux parcours exceptionnels qui, chacune à leur manière, ont marqué leur temps et leur domaine : l’Architecture. Des pionnières qui à la force de leur caractère et de leur talent, ont ouvert des sillons dans un domaine longtemps réservé aux hommes, pour faciliter le chemin des générations suivantes. Plus que l’aspect esthétique ou technique, c’est plutôt le côté relationnel qui a semblé être le frein principal à l’arrivée de ces femmes dans ce métier. En but à certains problèmes administratifs, à la franche hostilité de leurs congénères hommes et au scepticisme des donneurs d’ouvrages, volonté, abnégation et force de caractère seront nécessaires pour réussir en architecture. « Le métier d’architecte n’est pas physique comme celui des maçons, des charpentiers ou des menuisiers, même s’il faut parfois faire des descentes sur le terrain. Je tiens à rappeler que ce sont les femmes qui ont construit les cases Mousgoum, preuve que nous sommes d’office des bâtisseuses. Néanmoins ce métier nécessite beaucoup de sacrifices et c’est là où il y a une différence entre nous et les hommes parce que nous sommes appelés à être des mères de famille et des épouses », précise Anne-Marie Medou Evina. Passionnées, elles ne se sont jamais vues en victimes dans ce monde masculin ou la plupart y a été initié par le père
« Mon père m’amenait sur les chantiers parce qu’il a découvert très vite l’histoire de conduire les chantiers et il adorait la construction. Il m’y amenait et je ne savais pas qu’il avait une idée derrière la tête. Il le faisait subrepticement. Je crois que c’est ce qu’il fallait faire pour m’amener à m’intéresser à la chose. J’ai fait des voyages au Nord Cameroun et c’est en découvrant l’architecture de cette zone que j’ai eu le déclic. Je voyais des gens avec des modes de vie différentes des nôtres et un habitat qui était complètement différent. Je suis tombée dans le guet-apens! », Rapporte Laurence Ngosso, première Architecte femme au Cameroun.
Le féminisme n’est pas dans leur vocabulaire, elles font ce qu’elles ont à faire et on dirait même que l’adversité les stimule, les pousse à aller plus vite et plus fort encore. La féminisation du métier est aussi avantageuse dans la mesure où les femmes ont un regard sur l’architecture peu ou prou différent de celui des hommes, « elles ont plus à cœur le bien-être de leur congénères que les hommes qui, eux, pensent davantage à dessiner le plus haut gratte-ciel, la plus grande autoroute ». D’autre part, certaines sont animées par une conscience sociale qui les amène à embrasser une carrière administrative et œuvrer pour développement des villes plus viables, plus durables, «Travailler dans l’administration m’a permis de comprendre que la place de l’architecte n’est pas seulement dans l’ONAC ou dans les cabinets privés. Sa place est aussi, toute importante, auprès de l’administration, car c’est le lieu où toutes les grandes décisions sont prises où la majorité des textes est préparée où l’initiative des projets d’envergure est prise, le lieu où nous avons la force de la proposition auprès des décideurs », précise Nicaise Chantal Abomo, architecte en service au ministère du Développement urbain et de l’Habitat
Selon les statistiques révélées au cours de la conférence, à long terme il y aura plus de femmes architectes que d’hommes, actuellement en France on en est à 53 % de femmes architectes, en Côte d’Ivoire 25 % des architectes inscrits à l’Ordre. Certes au Cameroun l’on est à moins de 15 %, mais l’évolution ne saurait tarder au regard de l’intérêt de plus en plus croissant des jeunes femmes pour le métier.