Le Cameroun poursuit résolument ses efforts pour valoriser sa filière cacao, au centre de toutes les attentions ces derniers temps. L’actualité majeure concerne la possible reprise de ChocoCam par un investisseur camerounais, face à des concurrents venus d’Afrique de l’Ouest et de l’Est. Cette opération s’inscrit dans la chaîne aval de la filière, dans un contexte de relance industrielle et de compétition régionale, et devient un dossier hautement stratégique.
La filière cacao s’affirme, décidément, comme un enjeu national à tous les niveaux. En amont, le gouvernement a récemment mené une vaste campagne de paiement de la prime qualité aux producteurs, mobilisant plusieurs centaines de millions de francs CFA. Cette mesure d’incitation a été largement saluée. En aval, une bataille stratégique se joue autour de la reprise des actifs de ChocoCam, jusqu’ici détenus par le Sud-Africain Tiger Brands. L’opération dépasse le cadre d’une simple transaction industrielle : elle s’inscrit dans un contexte africain en mutation, marqué par une intégration économique croissante, l’émergence de champions régionaux et une concurrence intense pour le contrôle des actifs productifs.
Le cacao camerounais, produit stratégique, attire des convoitises au-delà des frontières. Des groupes Ouest-africains et Est-africains se sont manifestés, mais deux acteurs locaux se sont démarqués : la CNPS et l’industriel Célestin Tawamba, président du GECAM, à travers son groupe Cadyst. La transformation du cacao doit désormais être portée par le capital camerounais. La préférence nationale n’est pas un repli, mais une réponse stratégique affirmant que le pays peut et doit construire ses propres outils industriels.
Maintenir un investisseur privé camerounais dans la course à la reprise de ChocoCam représente ainsi une opportunité historique. Il ne s’agit pas seulement d’acquérir une entreprise, mais de reprendre le contrôle d’une partie d’une chaîne de valeur longtemps dominée par l’extérieur. ChocoCam n’est pas une PME ordinaire : c’est un levier industriel structurant, un transformateur local de cacao, un acteur de l’emploi et de l’exportation. Si sa reprise par un investisseur camerounais se concrétise, elle démontrera que le secteur privé national peut rivaliser et incarner le futur économique du pays.
Les pouvoirs publics ont, quant à eux, envoyé un signal fort avec la relance de la prime qualité, valorisant ainsi le travail des planteurs et l’œuvre des producteurs. Mais cette initiative ne sera durable que si la chaîne de valeur est maîtrisée jusqu’au bout, grâce à une transformation locale compétitive et pérenne. Le Cameroun ne manque ni de ressources ni d’ambition ; ce qu’il lui faut désormais, ce sont des décisions courageuses, alignées sur l’objectif de souveraineté productive. Soutien institutionnel, réglementation et fiscalité incitative peuvent accompagner cette reprise stratégique. Dans une Afrique en pleine recomposition économique, perdre ChocoCam serait une erreur, tandis que réussir sa transformation en champion national représenterait bien plus qu’une vision : ce serait un tournant pour l’avenir industriel du Cameroun.
