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Note de lecture : Tuba B. de Diane-Annie Tjomb

L’auteure camerounaise Diane-Annie Tjomb, aussi diplômée en Communication des Entreprises et des Organisations, a proposé un texte intitulé Tuba B. Celle qui possède la force, qui sera publié aux éditions Eclat Médias en août 2021. Ce roman est son deuxième après Liaa : rencontre avec l’étrange.

Tuba B. Celle qui possède la force est un roman de 146 pages de texte, invitant à découvrir l’univers de Minga, une adolescente intelligente que son père, le sexagénaire Bimbia, va destiner à un mariage arrangé afin de bénéficier de l’importante dot tant convoitée. Seulement, «  Les rêves de Minga étaient d’aller au lycée (…) de poursuivre ses études supérieures en génie civil pour construire des ponts, des routes et des bâtiments » P.12 ; ce qui va poser un réel problème, autant pour son père que pour son futur époux.
Nous noterons que Bimbia, à sa retraite, est retourné avec sa femme et ses deux filles à Bengbis, son village natal. Il avait préféré laissé les garçons en ville, car « Il n’arrivait pas à trouver un autre lieu où situer la femme en dehors du cadre domestique » P.13. Minga va découvrir ce que son père attend d’elle et finir par s’y résigner, ne trouvant d’autre soutien auprès de sa mère que des paroles certainement préparées il y a bien longtemps : « Lorsque j’avais ton âge (…) l’on m’annonça que j’allais épouser ton père (…) cela fait trente-huit ans que ça dure. N’ai-je pas l’air d’être épanouie ? » P.14
Dans son foyer, Minga impose ses règles à son homme Arsenio et réussit à ne pas lui céder son corps jusqu’à ce qu’elle échappe à ce mariage par un savant subterfuge, et se retrouve dans la jungle de Douala, sans la moindre connaissance de cette ville et ses habitants, avec en poches quelques économies pour tenir quelque temps dans des conditions à l’opposé du confort de ce foyer qu’elle vient de quitter. Elle va donc débuter une aventure à laquelle elle ne s’attendait pas, qu’elle n’aurait jamais soupçonnée, des rencontres et des émotions qui vont bouleverser sa vie en la plongeant dans des situations d’intimité auxquelles rien ne l’a préparée.
Divisé en huit parties présentant des différences de pages significatives, cinq pour la première et 22 pour la deuxième, par exemple, le roman Tuba B. Celle qui possède la force invite subtilement à des sentiments nobles et des peintures ouvrant sur la nécessité du vivre-ensemble ; la projection de Douala où se rend Minga en dit long sur l’une des intentions de l’auteure : « là-bas, toutes les personnes d’origines diverses cohabitent et toutes les cultures se brassent et se dissolvent pour faire place à la tolérance » P.31. Dans le même élan, quand Minga décide de changer son nom, ou du moins de ne plus se faire appeler Minga (fille) et d’être désormais Tuba Bimbia, on découvre ces autres émotions qui indiquent que chacun peut se tenir à la place qui est logiquement sienne et de se retrouver ; la jeune fille, face aux nouvelles conditions qu’elles doit affronter, a cette pensée : « L’on ne peut pas être indigent et exigeant en même temps » P.41.
Aussi, dans ce roman qui fait visiter de nombreux contours de l’être humain dans des conditions aisément identifiables, nous rencontrons aussi des couples dont nous découvrons le bonheur sous un autre angle : « Le bonheur ne tient parfois qu’à un fil et ne demande pas à tout savoir » P.119. Que dire de ces multiples conseils que l’on retrouve semés au long de l’intrigue ; nous pouvons citer cette réflexion de la page 104 quand Paterne, un jeune Français en stage chez le « père » de Tuba, arrive à rapporter une information capitale, simplement en suivant son intuition : « Parfois, on a juste besoin de réaliser de petites choses pour obtenir de grands résultats ».
Le roman démontre combien on a besoin des autres, dans leur plus simple expression, pour arriver à construire une communauté paisible, et combien il faut se bouger pour toucher du doigt ses rêves, ou alors s’en rapprocher. « Tuba était consciente que sans actions, les rêves ne resteraient que des rêves ; elle avait cessé de dormir pour les rendre concrets » P.62. Diane-Annie Tjomb, par son personnage principal, invite l’Afrique dans son ensemble à passer à l’action et décider de son propre destin et de ses valeurs, comme Minga qui décide que son identité est désormais Tuba Bimbia. Bimbia du nom de son père.
Si le texte est fluide, grâce à la simplicité de l’écriture proposée par notre auteure, nous rencontrons des difficultés au niveau des règles de la langue utilisée. Nous préconisons un travail éditorial rigoureux, afin que les fautes soient nettoyées et les répétitions et autres lourdeurs relevées et corrigées. Par ailleurs, une qualité physique du livre pourrait permettre d’accroître le nombre de lecteurs et augmenter les chances de ce roman de compter parmi les préférés des passionnés.
A titre personnel, je trouve le livre intense et précis dans le détail ; l’auteure s’est donné la peine de transmettre à son lecteur chacune des émotions suscitées par les scènes et les contextes qu’elle a visités. A travers Bimbia, j’ai découvert le potentiel d’une jeunesse qui, si elle sait exploiter ses ressources là où elle se trouve, en prenant le soin de tenir fermement à ses projets en dépit des obstacles plus durs avec le temps, peut parvenir à toutes les réalisations possibles. Des Bimbia, il y en a par milliers dans chaque ville, nous les croisons tous les jours. Diane-Annie Tjomb leur donne la possibilité de s’offrir au monde avec un naturel qui permet de les vivre sans effort d’imagination.
Tuba B. Celle qui possède la force est un texte porteur d’enseignements qui peuvent aider à bâtir des communautés plus fortes, basées sur une jeunesse authentique, courageuse et entreprenante. Une fois que l’édition et l’impression auront soigné leurs pratiques, ce roman sera sans doute l’un des plus saisissants sur la condition de la jeune fille dans des traditions qui la considèrent encore comme un être sans autre devenir que celui d’être tôt la femme d’un inconnu ; et aussi dans une littérature qui ne pousse pas vraiment loin ses perspectives d’épanouissement, bien plus occupée à combattre des coutumes dont les racines sont pourtant des plus profondes.

ACOLITT

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