Yaoundé va accueillir mardi prochain le deuxième atelier de consensus santé-justice organisé par l’ Association Soins Psy sans Frontières sous le parrainage du ministère de la Justice.
Placé sous le thème : « élaboration du répertoire des expertises médico -psycholégales », l’atelier sera une occasion de convaincre la cible de l’importance de cette fonction dans les procédures judiciaires. Cet évènement scientifique s’inscrit en droite ligne du forum tenu en février 2020 dans le cadre des assises interprofessionnelles Santé-justice.
L ‘une des recommandations de celles-ci était le mettre en place un projet pilote pouvant permettre de réunir les sciences juridiques, les sciences comportementales et les sciences biomédicales. Au rang des participants qui sont attendus l’on note : les magistrats, les avocats, les officiers de police judiciaire mais aussi les étudiants. A l’issue des travaux l’Association Soins Psy sans frontière (SPSF) envisage l’élaboration d’ un répertoire des expertises médico-psycholégales pouvant être exercées au Cameroun et la création d’un institut où les apprenants seront moulés à la pratique de l’expertise judiciaire. L’Association Soins Psy Sans Frontières est créée en 2012 en Suisse, dans une dynamique de valorisation des collaborations interdisciplinaires, interprofessionnelles et interculturelles Nord-Sud en santé mentale, SPSF rassemble praticiens et universitaires du Cameroun, d’Afrique et d’occident qui travaillent ensemble pour donner à la Psychologie et la psychiatrie une visibilité et une représentativité.
Eclairage sur l’ expertise judiciaire
Au cours d’un procès, le Juge peut être confronté à des questions d’ordre technique ne relevant pas de ses compétences. Dans ce cas, il peut faire appel à un expert judiciaire. Il s’agit d’un spécialiste dans son domaine de compétence, qui donne un avis technique au cours d’un procès.
Ce dernier peut être saisi d’office par le juge ou à la demande d’une partie au procès. L’expertise judiciaire trouve son fondement juridique au Cameroun dans le Code de procédure civile et commerciale, le Code de procédure pénale, la loi n°90/037 du 10 Août 1990 relative à l’exercice et à l’organisation de la profession d’expert technique et a son décret d’application n° 92 / 238 / PM du 24 Juin 1992.
En droit Camerounais, l’expert judiciaire est une personne physique assermentée qui figure sur une liste nationale à laquelle le tribunal se refère pour opérer ses choix. De plus, chaque Cour d’Appel doit avoir un fichier des experts judiciaires agrées près lesdites Cour. Il est important de noter que tous les domaines de la technique ne sont pas représentés sur ces listes d’experts agrées. Ce qui peut amener le juge dans ce genre de cas à désigner un ou des experts ne figurant pas sur la liste nationale. En matière pénale, l’expert judiciaire doit prêter serment d’accomplir sa mission en honneur et conscience (Art 204 CPP) ; en matière civile, les experts peuvent être dispensés du serment par les parties (Art 119 CPC). Si un expert judiciaire refuse sa nomination en matière civile, le président de la juridiction désigne par ordonnance un autre pour le remplacer (Art 121 CPCC) ; en matière pénale c’est au juge d’instruction ou de jugement de le remplacer par décision motivée (Art 205 CPP).
Dans l’exercice de sa mission, l’expert judiciaire bénéficie de certains pouvoirs. Ils indiqueront aux parties les lieux, jour et heure de leurs opérations et il leur sera remis le jugement qui a ordonné l’expertise et les pièces nécessaires (Art 120 CPCC). L’expert judiciaire peut entendre les parties et même recevoir des déclarations d’autres personnes. Mais puisqu’il ne peut pas contraindre un témoin à déférer à ses réquisitions, il peut en cas de refus, faire recours à l’autorité mandante.
Que ce soit en matière civile ou pénale, les experts judiciaires disposent d’un délai fixé au moment de leur nomination pour accomplir leur mission et déposer leur rapport. Si l’expert judiciaire ne dépose pas son rapport dans le délai qui lui est imparti en matière pénale, il peut après une mise en demeure du juge d’instruction être remplacé et dans ce cas il doit rendre compte de ses investigations et restituer les objets et documents qui lui auraient été confiés dans le cadre de sa mission. En cas de retard en matière civile, les experts pourront être assignés à trois jours par devant le tribunal qui les aura commis et il appartiendra à ce tribunal de vérifier si ce retard est dû à la faute des experts ou à autre chose. Si les experts sont remplacés, ils seront condamnés aux dépens de l’incident.
A la fin de sa mission, l’expert dépose son rapport en autant d’exemplaires qu’il y a de parties. Toute fois, s’il s’est agi d’une mission assignée à un collège d’experts, ils dresseront un seul rapport et ne formuleront qu’un seul avis à la majorité des voix. Le rapport se présente de la manière suivante : L’identité et le titre de l’expert ou des experts, l’autorité compétente, les missions, les investigations, discussions et conclusions. Mais au terme de l’ensemble, le tribunal n’est pas obligé de suivre l’avis des experts si sa conviction n’est pas faite ou si elle s’y oppose (Art 128 CPCC).
Emmanuel MANGUELLE