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Ramat Abadjida présente son premier roman : une fiction poignante sur l’amour et la justice

Sous les hauteurs de Yaoundé, dans un lieu discret adossé à l’Imprimerie Nationale, un souffle nouveau a traversé les murs de l’Institut de Formation des Formateurs. Dès l’heure tendre de l’après-midi, un auditoire attentif s’est réuni pour accueillir l’éclosion d’un univers, celui de Aïcha à la barre !, premier fruit de l’imaginaire de Ramat Abadjida. La voix de l’écrivain s’est mêlée à celle de Tafeu François Bikoro, animateur d’un dialogue vibrant entre récit intime et échos partagés. Là, les regards, les sourires, les silences complices ont entouré l’ouvrage comme on entoure une vérité murmurée.

En 88 pages déliées, l’épopée suit l’itinéraire d’un adolescent traversé par une flamme persistante. Ce n’est point l’éblouissement d’un instant, mais la lente construction d’un attachement nourri d’attentes, d’attentions invisibles et d’un dévouement sans bruit. Deux êtres, une histoire, et, au centre, l’épreuve du désenchantement. Loin des récits idéalisés, la narration dévoile un abandon abrupt, un effondrement intérieur dont le théâtre se transporte soudain devant le juge. La plainte déposée, pourtant silencieuse, résonne comme un appel à l’équité du cœur.

Ici, nul conte de fées. La prose cisèle un décor de procès mental, où l’accusée brille par son absence. En filigrane, l’auteur trace les contours d’une société fragile, où les engagements glissent sur des surfaces froides. Par une écriture tranchante, le texte fouille les plis de l’attente, explore l’usure des élans sincères et questionne la part muette de chaque histoire inachevée. Faut-il traduire les douleurs affectives ? L’alliance affective mérite-t-elle reconnaissance au-delà des convenances ?

Aïcha, silhouette fantomatique, catalyse toutes les interrogations. Figure d’une promesse effacée, elle incarne cette distance cruelle entre l’idéal et le vécu. Face à elle, Khaled, personnage empreint de droiture, se confronte à un monde régi par l’illusion des apparences. Entre les lignes, une fresque sensible se dessine, captant l’instabilité émotionnelle, les regards perdus et les liens disloqués. Ce roman invente un territoire suspendu entre le rêve abîmé et l’analyse critique d’une époque.

Issu du champ de la réflexion sur la paix dans les espaces du Lac Tchad, l’auteur transpose ses compétences au sein d’un récit profondément humain. Clarté du propos, économie des moyens, force des images : tout converge vers un équilibre subtil entre introspection et dissection sociale. Aïcha à la barre ! n’est pas seulement un ouvrage inaugural, c’est le manifeste discret d’une voix littéraire naissante, déjà marquée par la finesse du regard et l’exigence d’une pensée indocile.

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