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Leading Life-Briser le silence, semer l’éveil : un atelier pour dire non à la drogue

Le 6 juillet 2025, le Centre Leading Life a accueilli une rencontre dédiée à la parole partagée et à la conscience éveillée, rassemblant parents et enfants autour d’un atelier sobrement intitulé « Non à la drogue : parlons-en ! ». Dans l’atmosphère paisible d’un espace pensé pour la transmission, les échanges ont permis de lever le voile sur un sujet redouté, souvent enfoui, mais dont les répercussions déchirent des vies entières. Cathy Tuekam, gestionnaire de projet, a ouvert les travaux avec une parole d’ancrage, introduisant tour à tour les experts conviés : le psychologue Calixte Louis André, qui a levé les masques des différentes formes de dépendance, le Dr Alain Jounda, venu dépeindre les méandres médicaux de l’intoxication, et la juriste Christèle Diwouta, qui a éclairé les contours du droit face à l’usage illicite des substances interdites.

L’intérêt pour cet atelier tient à l’urgence d’une situation qui ne cesse d’empirer. D’après les chiffres rendus publics par le Ministère de la Santé en juillet 2021, un Camerounais sur quatre a déjà été exposé à une drogue dure, et une part non négligeable de ces usagers, principalement âgés de vingt à vingt-cinq ans, en consomment régulièrement. Le pays, jadis simple point de passage, s’est mué en territoire de culture, de circulation et de consommation de produits toxiques. Le tramadol, tristement célèbre sous le nom de Tramol, figure parmi les substances les plus détournées. À cela s’ajoute la banalisation du tabac, dont l’usage précoce touche près de neuf pour cent de la population, notamment en milieu scolaire, aggravant le poids d’un fléau qui fragilise déjà les équilibres les plus précaires.

Calixte Louis André, psychologue, clinicienne, addictologue, hypnothérapeute

Ce panorama interpelle sur notre capacité collective à enrayer un phénomène dont les retombées ne se limitent pas à la sphère médicale. Chaque année, environ 66 000 personnes succombent aux effets du tabagisme au Cameroun, révélant l’ampleur silencieuse d’une guerre intérieure. En réponse, les autorités ont intensifié leurs efforts. À l’occasion de la 34e Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogues, le Comité National de Lutte contre la Drogue (CNLD) a lancé une série d’actions ciblées : sensibilisations locales, rencontres éducatives, interventions en milieux de soins et manifestations sportives, toutes tendues vers un même objectif – rétablir la vérité, déconstruire les mythes, éveiller les consciences dès l’enfance.

Au fil des discussions, la question du rôle parental a trouvé un écho profond. Dans bien des foyers urbains, marqués par la précarité, l’absence des adultes en quête de ressources quotidiennes laisse les plus jeunes livrés à eux-mêmes. Cette liberté non encadrée se transforme en brèche, où s’infiltrent les tentations et les dangers. Des témoignages ont mis en lumière la fragilité des liens familiaux, pris entre injonction de survie et désir de protection. C’est à travers la confiance, l’écoute et la transmission de repères que peut naître une résistance durable. Apprendre à dire non ne relève pas d’un réflexe, mais d’un cheminement intérieur, forgé dans la stabilité affective et la cohérence éducative.

Un autre axe essentiel a émergé : celui de la régulation et de la discipline. Loin des anciens modèles répressifs, les intervenants ont plaidé pour une autorité structurante, soucieuse d’équilibre. Expliquer une règle, justifier une sanction, adapter les limites sans violence : telles sont les pierres d’un encadrement juste. La privation temporaire d’un téléphone ou la restriction du temps d’écran peut porter plus de fruits qu’un geste brutal, pour peu que l’adolescent comprenne le sens de la mesure. C’est par la douceur ferme, et non par la peur, que se construit un rempart durable contre la tentation de l’addiction.

Dr. Alain Jounda, Médecin spécialiste en médecine interne

L’État, de son côté, n’est pas resté silencieux. La loi n°97/079 du 7 août 1997 encadre strictement la possession, la production, le commerce ou la consommation de drogues, en dehors de tout usage médical ou scientifique autorisé. Les peines prévues, allant jusqu’à vingt années d’emprisonnement, traduisent la fermeté de l’approche. Le Comité National de Lutte contre la Drogue, rattaché au ministère de la Santé publique, coordonne depuis 1992 les efforts de prévention, de soins et de répression, en partenariat avec divers acteurs nationaux et internationaux. Ses interventions, ancrées dans le terrain, visent à donner corps à une politique cohérente et durable.

Christèle Diwouta, Juriste

En 2023, près de deux cent mille personnes ont été sensibilisées, dont douze mille élèves, à travers les médias et des actions de proximité. Des centres spécialisés de désintoxication ont vu le jour dans les structures hospitalières, bien que leur couverture reste limitée face à l’ampleur du besoin. Un Plan stratégique national, en cours d’élaboration pour la période 2024-2030, entend renforcer la synergie entre les secteurs impliqués. Toutefois, des défis demeurent : manque de ressources, faible application des textes, stigmatisation des personnes dépendantes. Pour avancer, une approche plus humaine, enracinée dans la santé publique et le respect des droits, s’impose avec évidence.

En refermant les échanges, l’atelier du Centre Leading Life a laissé une empreinte discrète mais précieuse. Il a rappelé que la prévention ne se décrète pas depuis un pupitre ministériel, mais se cultive dans l’intimité des foyers, dans la vigilance des écoles, dans le souffle des quartiers. C’est dans cette alliance entre savoirs et vécus, entre cadres et cœurs, que réside la promesse d’un avenir affranchi des chaînes invisibles. Une promesse à faire fleurir, ensemble, pour que demain se lève plus lucide, plus fort, plus libre.

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