La Fondation Muna a accueilli, samedi matin, la dédicace du dernier roman de l’écrivain et homme d’État congolais Henri Djombo, Une semaine au Kinango. Publié le 18 octobre dernier aux Éditions du Net, cet onzième roman s’inscrit dans la continuité d’une œuvre engagée, attentive aux tensions sociales et politiques qui traversent l’Afrique contemporaine.
L’événement, organisé à l’initiative de la Ronde des Poètes du Cameroun, a réuni universitaires, journalistes et passionnés de littérature autour de celui qui est également président en exercice de l’Union nationale des écrivains et artistes congolais (UNEAC). À travers ce récit de 185 pages, Henri Djombo plonge le lecteur dans le quotidien du Kinango, une nation fictive érigée en miroir des réalités africaines.
Une fable politique aux résonances contemporaines
Dès l’ouverture du roman, l’auteur convoque une image saisissante : une invasion de fourmis magnan, métaphore centrale largement commentée lors des échanges. Individuellement insignifiantes, ces fourmis deviennent, en groupe, une force irrésistible. Une allégorie du « pouvoir par le bas », ont souligné les intervenants, illustrant la capacité des peuples à se mobiliser face à l’injustice, à la corruption et à l’immobilisme politique.
À travers cette fable, Henri Djombo explore les fragilités visibles et invisibles des sociétés africaines : fractures sociales, conflits générationnels, rapports de force entre gouvernants et gouvernés, mais aussi espoirs de réformes raisonnées. Le Kinango apparaît ainsi comme un véritable laboratoire politique, où se confrontent traditions et modernité, intérêts nationaux et pressions internationales.
Une lecture universitaire de haut niveau
La dédicace a été marquée par une analyse approfondie de l’ouvrage, portée par un panel d’universitaires de la sous-région Afrique centrale. Du côté congolais, les professeurs Rosin Francis Loemba, Roni Yala et Édouard Ngamountsika, tous issus de l’Université Marien-Ngouabi, ont tour à tour mis en lumière la densité stylistique et la portée pédagogique du texte.
La contribution camerounaise est venue de Jules Michelet Mambi Magnack, enseignant-chercheur à l’Université de Maroua et auteur d’un essai consacré à l’œuvre de Djombo. Il a insisté sur ce qu’il qualifie de « poét(h)ique du développement », une écriture où l’esthétique littéraire sert une réflexion éthique sur les voies possibles de transformation du continent. Plusieurs intervenants ont d’ailleurs évoqué la possibilité d’une intégration future de l’ouvrage dans les programmes universitaires.
Une œuvre fidèle à une littérature engagée
Économiste de formation, ancien ministre et écrivain prolifique — Henri Djombo est l’auteur d’une dizaine de romans, de nombreuses pièces de théâtre et d’essais — l’écrivain revendique une littérature ancrée dans les réalités africaines. Lauréat de plusieurs distinctions internationales, dont les prix Toussaint-Louverture et Camara-Laye, il poursuit avec Une semaine au Kinango une démarche constante : écrire l’Afrique à partir de l’Afrique, sans complaisance ni fatalisme.
« Le romancier n’est pas là pour flatter les consciences, mais pour interroger les sociétés », a-t-il rappelé, soulignant que le Kinango n’est pas un lieu imaginaire lointain, mais une projection des aspirations à une justice plus humaine et à une gouvernance responsable.
Prolongements culturels
La rencontre a également été l’occasion d’annoncer une adaptation théâtrale d’un autre texte de l’auteur, Les bruits de couloir. La Compagnie Simba en proposera une représentation le 15 décembre 2025 à 19 heures, au Centre culturel camerounais de Yaoundé. L’entrée sera libre.
En clôture, les organisateurs ont salué l’engagement de Jean-Claude Awono, président de la Ronde des Poètes du Cameroun et directeur général des Éditions Ifrikiya, pour la promotion des lettres africaines. Henri Djombo, en séjour au Cameroun, a été chaleureusement applaudi par un public conquis par ce moment d’échanges littéraires exigeants.






