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Christian Etongo, trente ans de performance comme acte de transmission

À l’occasion de ses trente années de carrière, l’artiste performeur camerounais Christian Etongo a choisi de célébrer son parcours non par une rétrospective figée, mais par un geste fondateur : transmettre. Ateliers, performances, exposition et rencontres ont rythmé une séquence artistique dense, révélatrice d’un itinéraire singulier et d’une vision exigeante de l’art vivant.
Plutôt que de s’attarder sur l’autocélébration, Christian Etongo a inscrit ses trente années de pratique dans une dynamique de partage. L’atelier de performance qu’il a conduit avec une vingtaine de jeunes artistes s’est imposé comme le cœur battant de cette commémoration. Pensée comme une immersion dans sa démarche, la rencontre a permis d’aborder la performance non comme une simple discipline artistique, mais comme une expérience totale, engageant le corps, l’espace, le silence et l’endurance intérieure.
La transmission, chez Etongo, ne se limite pas à l’apprentissage de techniques. Elle procède d’une philosophie où le geste artistique devient un langage, parfois âpre, souvent dépouillé, toujours chargé de sens. Sous son regard attentif et exigeant, les participants ont été invités à éprouver la confrontation au public, à transformer une intention intime en acte visible, à accepter l’imprévisibilité propre au direct. Loin du confort théorique, l’art performance s’est révélé dans sa dimension la plus concrète : physique, émotionnelle, irréversible.
Cette approche trouve un écho dans l’ensemble du programme qui a marqué la célébration. La performance Otium #2, conçue comme un temps suspendu, a prolongé cette réflexion sur la lenteur, la présence et la mémoire. Accompagné de musiciens et d’une danseuse, Christian Etongo a déployé une écriture performative épurée, où chaque geste semblait dialoguer avec le silence. Le projet, pensé par le commissaire Mbassi Landry, s’est imposé comme une synthèse de son parcours : une œuvre de maturité, tournée vers l’introspection autant que vers le collectif.
L’exposition photographique consacrée à ses performances a, quant à elle, offert un autre mode de lecture de son travail. Fixant l’éphémère, les images ont permis de mesurer la cohérence d’un chemin artistique construit sur trois décennies. De la ritualité béti à une esthétique contemporaine affirmée, l’œuvre d’Etongo interroge la mémoire, la réparation et la place du corps dans l’espace social. Elle s’inscrit aussi dans une réflexion plus large sur la décolonisation des savoirs et la circulation des imaginaires.
Figure pionnière de l’art performance au Cameroun, Christian Etongo a contribué à faire reconnaître une pratique longtemps marginalisée, parfois incomprise. Son parcours, largement international, n’a jamais rompu avec ses ancrages. Au contraire, il les a constamment réinvestis, transformant le rituel en langage universel et la scène en lieu de dialogue entre les cultures.
La clôture des événements, marquée par une forte affluence et des présences institutionnelles remarquées, a confirmé l’importance de ce moment dans le paysage culturel camerounais. Plus qu’un anniversaire, ces trente années apparaissent comme un passage : celui d’un artiste qui, après avoir ouvert des chemins, choisit désormais d’y inviter d’autres voix.
À l’issue de cette séquence, une certitude demeure : pour Christian Etongo, la performance n’est pas un aboutissement, mais un processus vivant. Et si ces trente années racontent un parcours, elles annoncent surtout une continuité, nourrie par la transmission et l’exigence d’un art qui refuse l’immobilité.

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