Le 24 septembre 2022, le MATGENIE a servi de cadre à une rencontre historique pour les ingénieurs hydrauliciens du Cameroun. Plus d’une centaine de membres se sont réunis, avec la participation notable du Pr Ombolo Auguste, Directeur de l’Institut Supérieur d’Agriculture, du Bois, de l’Eau et de l’Environnement d’Ebolowa (ISABEE), et de M. Mvondo Ayissi, Chef du service Eau et Assainissement à la Communauté urbaine de Yaoundé. Cette assemblée générale marque le point de départ d’une dynamique nouvelle : celle de la structuration et de la reconnaissance d’un corps de métier souvent relégué au second plan.
Longtemps perçus comme de simples exécutants cantonnés aux calculs hydrauliques et à la construction de forages, les ingénieurs hydrauliciens revendiquent aujourd’hui un rôle plus stratégique. Leurs compétences dépassent ces attributions limitées et s’étendent aux ouvrages d’art et aux infrastructures majeures. Pourtant, leur profession reste sous-estimée, éclipsée par le génie civil.
L’heure est donc venue de briser ce complexe d’infériorité et de fédérer les forces. Cette première assemblée générale marque la gestation d’une corporation, voire d’un Ordre professionnel, capable d’assainir un secteur où l’amateurisme a pris racine. La mission est double : structurer la profession et obtenir la reconnaissance qu’elle mérite.
Trois mois après la légalisation de l’association, l’urgence est d’agir. Sous la direction de M. Elomo Daniel, le bureau devra mettre en place des délégués régionaux, nouer des partenariats avec les institutions publiques et privées, et contribuer aux événements internationaux liés à l’eau et à l’environnement. Il s’agira aussi d’élever le niveau de compétence des membres et d’implémenter une stratégie WASH (Water, Sanitation and Hygiene) sur le terrain. Enfin, la sensibilisation des jeunes sera essentielle, avec la création de clubs Eau et Assainissement dans les établissements scolaires.
Cette démarche s’inscrit pleinement dans les objectifs du Cameroun, notamment les Objectifs de Développement Durable (ODD) et la Stratégie Nationale de Développement 2030 (SND30). Le pays fait face à trois défis majeurs : Améliorer la fourniture des services en eau, Assurer la durabilité des infrastructures, Garantir l’accès universel à l’eau potable
Le rôle des ingénieurs hydrauliciens est donc crucial. L’impact de l’eau sur les infrastructures est un problème récurrent : affaissement des routes, inondations, glissements de terrain. Ces phénomènes compromettent les ambitions gouvernementales d’atteindre l’émergence en 2035. L’ingénieur hydraulicien et l’ingénieur en génie civil doivent travailler en synergie pour anticiper et résoudre ces défis.
Le Pr Ombolo Auguste insiste sur cette nécessité :« L’ingénieur en génie civil ne peut que lutter contre l’eau ou la mobiliser, mais il n’est pas suffisamment formé à sa gestion. Vous devez peser de tout votre poids pour imposer votre expertise. La création d’un Ordre est indispensable pour garantir votre reconnaissance et structurer la profession. »L’exemple de l’accident ferroviaire d’Eséka est édifiant :« L’accident de Manyai, qui a entraîné le déraillement du train à Eséka, est lié à une mauvaise gestion de l’eau. Quand une buse est noyée en amont, l’eau trouve un autre chemin, s’infiltre et affaiblit l’édifice. L’assainissement routier passe par l’hydraulique, mais cette dimension est trop souvent négligée. »
Pour Elomo Daniel, Président de l’association, cette assemblée est une étape cruciale : « Notre métier est méconnu et sous-estimé. Nous voulons lui redonner ses lettres de noblesse en menant des actions sur le long terme. Toute profession qui se respecte doit se structurer pour peser dans la société. ». Un avis partagé par Mvondo Ayissi :
« Se regrouper en association permettra non seulement d’accroître la visibilité du métier, mais aussi de garantir l’emploi des ingénieurs hydrauliciens. Cependant, il faudra éviter les erreurs des associations éphémères qui disparaissent faute de vision à long terme. »
La profession d’ingénieur hydraulicien est au cœur des défis environnementaux et du développement du Cameroun. Face aux enjeux du changement climatique, de l’urbanisation galopante et de la protection des ressources en eau, il est impératif de professionnaliser le secteur. La mise en place d’un Ordre devient une nécessité pour garantir des standards de qualité, structurer la formation et défendre les intérêts des ingénieurs hydrauliciens. L’assemblée du 24 septembre 2022 est le début d’un mouvement qui pourrait transformer en profondeur la gestion de l’eau au Cameroun. L’avenir dira si cette mobilisation aboutira à la reconnaissance tant attendue.