La thèse de Marie Florence Ekassi Touba, présentée à l’École des Sciences de la Santé de l’Université Catholique d’Afrique Centrale, s’inscrit dans le champ des sciences infirmières appliquées à la santé de la reproduction. Par une enquête qualitative d’une remarquable profondeur, elle analyse les déterminants sociaux, économiques et institutionnels qui entretiennent la mortalité maternelle et néonatale dans l’Extrême-Nord du Cameroun, en s’appuyant sur un corpus d’entretiens individuels soigneusement conduits et une problématique rigoureusement formulée.
Son travail met en évidence un ensemble de contraintes structurelles qui freinent l’amélioration des indicateurs sanitaires : accès difficile aux soins, fragilité financière des ménages, déficit de compétences dans les formations sanitaires, couverture médicale insuffisante et contexte sécuritaire marqué par Boko Haram. L’étude montre que ces facteurs s’entrecroisent et créent des vulnérabilités persistantes, malgré les efforts nationaux engagés pour réduire les décès des mères et des nouveau-nés.
La chercheuse souligne la nécessité d’une action coordonnée entre les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’économie et de la sécurité, afin de renforcer les institutions, soutenir l’autonomie des femmes et consolider les capacités communautaires. Les résultats reposent sur des données empiriques solides et offrent un état des lieux exhaustif des réalités locales, tout en proposant une réflexion critique qui éclaire les limites des politiques actuelles et les résistances qui entravent leur efficacité.
Ce travail de 287 pages, soutenu devant un jury international, mobilise un cadre théorique articulé autour de la théorie de Madeleine Leininger et du modèle des trois retards. L’analyse révèle les défaillances systémiques qui persistent : infrastructures inadaptées, gestion approximative du personnel, dispositifs organisationnels instables et stratégies opérationnelles inégalement appliquées. La candidate met en relief l’importance de la sensibilisation communautaire, de la formation continue, de la collaboration avec les accoucheuses traditionnelles et de l’intégration multisectorielle pour améliorer durablement la prise en charge.
La thèse constitue une contribution de grande maturité académique, proposant une feuille de route cohérente pour réduire la mortalité maternelle et néonatale au Cameroun. Elle rappelle l’urgence d’un engagement politique constant, d’investissements structurels adéquats et d’une adaptation culturelle des interventions. Par la pertinence de son analyse et la maîtrise de son sujet, Marie Florence Ekassi Touba démontre la capacité des sciences infirmières à influencer les politiques publiques et à promouvoir une santé plus équitable.
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