Intitulée : « Cancer du col de l’utérus en zone CEMAC : analyse situationnelle des barrières d’accès au dépistage à Brazzaville et à Yaoundé », la thèse était soutenue publiquement le vendredi 14 juin 2024 à l’amphi 700 de la faculté de médecine et des sciences biomédicales de l’université de Yaoundé I devant un jury présidé par le Professeur Kamgno Joseph, avec pour membres : Pr Tebeu Pierre-Marie, Pr Essi Marie-José, Pr Noa Ndoua Claude Cyrille, Pr Bediang Georges, Pr Judith N’Sonde Mondzie Malanda.
Le travail de l’impétrant s’inscrit dans un contexte où cancer du col de l’utérus est le troisième type de cancer le plus courant chez les femmes partout dans le monde. Pourtant, il s’agit de l’un des cancers les plus faciles à prévenir et à traiter en cas de détection précoce. Il est actuellement bien établi que le papillomavirus humain (HPV) est l’agent pathogène principal du cancer du col de l’utérus. D’autres facteurs sexuels et non sexuels interviennent comme cofacteurs de la progression de l’infection à HPV vers le cancer du col de l’utérus. La phase précancéreuse qui précédé la maladie peut durer plusieurs années avant l’apparition des symptômes cliniques, dont le signe majeur est l’hémorragie génitale. Le dépistage par pratique régulière du frottis cervico-vaginal permet de détecter les lésions précancéreuses et de les traiter à un stade précoce. Le frottis cérvico-vaginal reste un test simple, anodin, indolore, réalisable par tout médecin et peu couteux. A côté de cette méthode de dépistage, ils en existent d’autre plus modernes, dont l’inspection visuelle des lésions précancéreuses au soluté de lugol (IVL), l’inspection visuelle après application d’acide acétique (IVA) et le dépistage par cytologie (ou test du VPH). Ces actes médicaux ne peuvent être pratiqués que par les prestataires de soins qualifiés que sont les infirmières, les sages-femmes et les médecins. Malgré de grandes avancées dans la prévention, le cancer du col de l’utérus demeure un problème de santé publique majeur à cause de la prise en charge tardive qui augmente les taux de morbidité et de mortalité. D’où l’initiative de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) lancée en 2020, visant à éliminer le cancer du col de l’utérus en tant que problème de santé publique, avec des objectifs intermédiaires à atteindre d’ici 2030.
Très apprécié par le jury, le sujet abordé par Antaon Jesse Saint Saba est d’actualité et pertinent à plus d’un titre. Dans un contexte où la prévention n’est pas optimale et la morbi-mortalité reste élevée, l’évolution de la démographie médicale laisse craindre des glissements de « non qualité » dans ce domaine. D’autre part, devant la complexité des facteurs qui influencent les pratiques, il apparaît à priori, que pour attendre de réelles améliorations, il faut s’appuyer sur la compréhension et l’approche des patientes qui ne peuvent ou ne veulent pas participer au dépistage. Il apparaît difficile de comprendre l’acceptation ou le refus d’un frottis ou d’autres méthodes de dépistage sans entendre comment les femmes l’intègrent à leur gestion de l’intime en analysant leurs normes, leurs croyances et leurs valeurs. L’optimisation de la qualité des soins ne pouvant pas reposer uniquement sur une meilleure formation ou organisation sans tenir compte des acteurs eux-mêmes. Ce travail d’un intérêt majeur a pour but non seulement d’analyser les logiques plus ou moins implicites qui guident les pratiques des femmes qui échappent au dépistage mais aussi de relever les manquement inhérents aux systèmes de santé afin de comprendre les écarts entre recommandations, images officielles et pratiques.
Docteur Antaon Jesse
« Les résultats des travaux que nous avons obtenus visent à améliorer le système de santé particulièrement au Cameroun et au Congo Brazzaville. Ce travail apporte des éléments nécessitant très rapidement de mettre en œuvre des stratégies capables de booster la participation des femmes au dépistage du cancer du col de l’utérus. Aujourd’hui une femme qui meurt pour le cancer du col de l’utérus c’est une grande perte parce que c’est le premier cancer où les moyens de dépistage et sa façon de contamination sont connus. Aux futurs étudiants du CIESPAC, je voudrais leur dire que le travail qui se passe dans cette institution de formation est de qualité. Nous n’avons pas eu des difficultés à finaliser notre processus de changement de grade pour devenir Docteur en santé publique, je les invite donc à participer aux différents concours ».
« Le cancer du col de l’utérus continu de faire des ravages en Afrique et dans le monde, alors qu’un bon dépistage permettrait de ne pas voir ces femmes souffrir, de ne pas arriver au stade du cancer. Parce que lorsqu’on dépiste à temps, la prise en charge est relativement simple, alors que lorsque le cancer s’est installé, il faut des moyens énormes pour pouvoir prendre en charge. Cela coûte de l’argent à nos pays, à nos familles. Il y a donc un grand intérêt à procéder au dépistage du cancer du col de l’utérus. Le travail du Docteur Jesse est d’essayer de comprendre pourquoi certaines femmes ne participent pas à ce dépistage. Il a dégagé les facteurs qui déterminent la participation des femmes au dépistage du cancer du col de l’utérus, au terme de ce travail, il a effectué des recommandations. Nous espérons que nous assisterons avec le concours des gouvernements ou de la société civile à une plus grande participation des femmes au dépistage du cancer du col de l’utérus. Je voudrais aussi louer cette coopération qu’il y a entre l’Université de Yaoundé 1 et le CIESPAC dont le directeur était membre du Jury, parce que le candidat a fait son Master de santé publique dans cet établissement et il finit aujourd’hui avec sa thèse PHD à l’université de Yaoundé 1 ».
« Le CIESPAC est honoré, mais dans une large mesure la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). À partir du travail que vient de produire celui qui désormais est appelé Docteur Ataon, nous avons bien vu les défis qu’il y a dans la lutte contre ce problème majeur de la mortalité due au cancer du col de l’utérus dans notre environnement. Aujourd’hui, cette maladie est rentré dans les oublis, parce que n’existant presque plus dans les pays développés. Mais nous sommes encore surpris continuer de recevoir à l’hôpital des femmes qui viennent parce qu’elles saignent, parce qu’elles ont des pertes nauséabondes et on se rend compte qu’il s’agit du cancer du col du l’utérus. Or l’organisation mondiale de la Santé (OMS) a développé des stratégies simples pour éviter le cancer du col de l’utérus qui aujourd’hui doit être le cancer le plus rare, même chez nous. Mais il y a des difficultés à mettre en place ces stratégies, c’est pour cela qu’abordant les questions de dispositifs mis en place pour lutter contre le cancer du col de l’utérus, nous avons bien vu qu’il y a des problèmes au niveau de la formation du personnel, et pourtant simple que même l’aide-soignante peut le faire, mais il faut qu’elle soit formée. Nous avons vu aussi qu’il y a un défi dans la mise à disposition du matériel, autant le dépistage par le test au papillomavirus humain reste coûteux et indisponible autant la cytologie qui était la méthode standard reste encore réservée à quelques villes, autant le dépistage par des méthodes d’inspection visuelles avec l’utilisation de l’acide acétique qui est en fait du vinaigre à 4 % ou l’utilisation du lugol, ces méthodes sont disponibles et accessibles à tous. le travail que nous venons de suivre est une interpellation aux autorités en charge ou plutôt impliquées directement ou indirectement dans l’accélération du processus d’atteinte des cibles des objectifs de développement durable numéro 3, c’est à dire la santé, pour que des mesures soient prises, que ce soit sur le plan juridique, des ressources matérielles, des ressources humaines, de l’organisation des services, du suivi évaluation pour que le cancer du col de l’utérus rentre dans l’histoire, pour que le Cameroun et tous les autres États de la CEMAC soit au rendez-vous de 2030, j’entends cancer du col de l’utérus éliminé ».
E.M