L’éducation, pilier de toute société, vacille. Depuis que la drogue a pénétré les établissements scolaires, les ravages sont visibles. Pourtant, ce phénomène n’est pas nouveau. Ce fléau, longtemps ignoré, s’est lentement enraciné. Aujourd’hui, les substances illicites circulent dans les poches des élèves, tandis que certains adultes se contentent de juger une jeunesse prétendument perdue. Mais peut-on réellement en faire porter la responsabilité aux jeunes seuls ?
Ce pourrissement, on l’a vu venir. Mais que fait-on pour y remédier ? Rien ou si peu. Il est urgent de doper l’engagement dans la lutte contre les drogues qui gangrènent nos écoles. Le silence coupable des adultes, de la société tout entière, alimente cette tragédie.
Dans un autre registre, la culture populaire s’est transformée en miroir d’une dérive collective. Prenons la musique. Hier, elle inspirait ; aujourd’hui, elle banalise la vulgarité. Une égérie du bikutsi est érigée en « mère du peuple », à l’image d’une Cesária Évora, alors qu’aucune comparaison n’est possible en matière de dignité ou de talent. Dans un contexte où l’on applaudit des « performances » qui réduisent la créativité à des gestes suggestifs et des paroles grivoises, que reste-t-il de l’éducation par l’art ?
Le makossa love n’est pas en reste. Certains artistes posent nus ou déforment leur culture pour séduire des audiences francophones. L’un d’eux, par exemple, explique sur une chaîne télévisée que « nyokser » signifie « danser », comme si la jeunesse manquait d’autres modèles. Les titres de chansons à succès enfoncent le clou : « Coller la petite », « Casser bambou », ou encore « Tu vas me tuer ce soir ».
Ces refrains s’imprègnent dans l’esprit des enfants, qui grandissent dans une société où les parents, absorbés par la survie quotidienne, ferment les yeux. La banalisation s’installe insidieusement. Comme le souligne l’éditorialiste Valentin Siméon Zinga, la banalisation « se construit et s’impose lorsque les dispositions mentales d’une communauté humaine la contraignent à s’accommoder de certaines situations qu’elle considère comme allant de soi ». Cette résignation collective, combinée à des repères ébranlés, a permis au loup d’entrer dans la bergerie.
Et les conséquences sont dramatiques. À Nkolbisson, un élève poignarde son enseignant. À la Cité Verte, un jeune tue son ami d’enfance. À Damas, un diplômé de l’ENAM assassine sa propre mère. Pendant ce temps, la société, hébétée, s’indigne sans agir. Peut-elle encore se permettre cet étonnement alors qu’elle a toléré, voire nourri, ces dérives ?
Dans cette société où certains vénèrent des figures éphémères qui se souvient de Gaston Kelman ou d’Achille Mbembe ? Qui reconnaît encore les intellectuels capables de polariser l’attention et de fédérer autour de valeurs communes ? Les esprits qui devraient éclairer notre jeunesse se perdent dans une brume d’inculture, de désintérêt pour la lecture ou pour la réflexion.
Alors, on entend les adultes lancer aux jeunes : « On ne vous reconnaît plus. » Mais se reconnaissent-ils eux-mêmes ? Ces esprits désorientés osent comparer les époques, tout en oubliant leur propre responsabilité dans l’effondrement des repères.
Cameroun, ô patrie adorée, qu’es-tu devenue ? Le combat pour l’éducation et la culture doit être mené, car il en va de l’avenir d’une jeunesse en quête de sens.