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Un rendez-vous appelé à faire date et auquel le CERDOTOLA a convié plusieurs personnalités africaines à réflechir sur le renouveau d’une pensée africaine plurielle qui a besoin de se liberer et retrouver son autonomie. Il s’agit donc ici de susciter un engagement, non pas au sens polémologique du terme, mais d’un engagement des africains envers eux-mêmes, de cesser de regarder les besoins de l’Afrique définis par d’autres, mais transformer le patrimoine et matrimoine disponible pour une Afrique belle et decomplexée.
Très peu d’africains le savent, au même moment où Descartes publiait son Discours de la méthode, un éthiopien du nom de Zera Yacob rédigeait Hatata, un traité de philosophie rationaliste. Un exemple parmi tant d’autres qui prouve à siffire que l’Afrique a préexisté à l’ordre colonial, et partant l’originalité de sa pensée, mais paradoxalement l’Afrique est absente de la pensée contemporaine.
Une des explications plausibles réside dans le fait que, la pensée africaine est adossée à la pensée d’ailleurs. En fait ce qu’il convient d’appeler pensée africaine ne serait qu’une pensée par procuration, ou sous tutelle, une pensée à la remorque, une pensée dans les liens et les chaînes de la pensée dominante.
Laquelle se caractérise par le fait que tous les repères sont empruntés et transportés à travers la nacelle des extraversions multiples installées dans les schèmes mentaux des systèmes coloniaux dont sont tributaires de nombreuses élites africaines. Elles mettent ainsi l’intelligence africaine au service des causes prétendument « universelles » qui sont retournées contre leurs propres intérêts. Dans un contexte où « postcolonial » et« néocolonial » s’entremêlent tous deux dans le monde contemporain, la liberté du continent est une illusion. Le colonialisme s’est mué simplement en un ogre plus subtil, qui confisque les velléités d’indépendance de peuples d’Afrique, se montre sans concession pour les porteurs de la revendication d’indépendance authentique, s’assure de placer à la tête des institutions du continent des serveurs, dociles et fidèles de la « division internationale du travail », mise en route à la suite de la traite transatlantique puis de l’aventure coloniale scellée par la conférence de Berlin. Ainsi se trouve piégé la pensée de la libéralisation de l’Afrique.
Les penseurs africains reconnus et célébrés sont ceux dont les œuvres sont labellisés par les officines « métropolitaines ». Les meilleurs plumes africaines se réclament évidemment de ces officines, ne jurent que par elles, ne traduisent plus souvent que « la voix du maître ». Les élites sont (et se plaisent à rester) tenue en laisse par les cercles qui les ont ennoblies : universités, écoles de formation, instituts de recherche, usines et entreprises de référence, cercles initiatiques congrégations religieuses, réseaux divers.
Le temps de la rupture et de recomposition frappe à la porte de l’histoire comme condition de la renaissance africaine, tant souhaitée. Seule une nouvelle pensée africaine peut assumer et assurer cet enjeu. La violence n’ étant pas seulement physique ou psychologique, mais aussi épistémique.
Il faudra donc entre autres au cours de cette conférence penser de nouveaux concepts et de nouveaux référents intellectuels ; irriguer l’existence des peuples africain de la foi en leur humanité; construire des idéologies d’action et d’opérationnalisation du vécu endogène; justifier la mise en des fondements d’un humanisme compétitif de la diversité et de la multipolarité et « decoloniser » le fait de penser et liberer la « pensée » de sa confiscation par les philosophes de l’ordre de la « philosophie »selon la seule acception des écoles étrangères; remettre la pensée au cœur et au service de la vie en tant que sagesse assumée, action conceptualisée, rêve planifié, projet assumé, praxis éclairée, nourrie d’éthique et d’esthétique afriaine.
E.M